Le développement rapide de l’éolien offshore en Europe : un défi pour les ports


Article écrit par Adinergy pour le site Ports & Corridors

Développer l’industrie éolienne offshore suppose d’adapter les infrastructures portuaires à sa croissance rapide ainsi qu’à la course au gigantisme des nouvelles générations de turbines. Dans son dernier rapport de mai 2022 intitulé « A 2030 vision for european offshore wind ports », WindEurope, groupement des acteurs européens de l’industrie éolienne, décrit l’ensemble des défis que devront affronter les ports européens pour s’adapter, très vite, à la révolution énergétique déjà en cours.

Les ports, point central de la supply chain
Les ports sont au centre de l’industrie éolienne offshore et de son développement. Ils sont le point central de la supply chain : ils stockent les éléments de turbines, fabriquent les fondations, assemblent certains éléments avant leur chargement vers le large. Ils seront bientôt le point central des activités de démontage des unités obsolètes (les premiers champs européens ont entre 15 et 20 ans).

Une adaptation à marche forcée
L’industrie de l’éolien offshore grandit donc en volume et en taille avec plus de turbines installées, elles-mêmes de plus en plus grandes. Cette adaptation devra se faire à marche forcée pour atteindre les objectifs de l’Union Européenne en matière de réduction d’émission de gaz à effet de serre : De 25GW aujourd’hui la capacité de l’éolien offshore européen atteindra 110GW en 2030, 400GW en 2050 ! Une hausse vertigineuse mettant les ports européens au défi de suivre cette montée en puissance afin de permettre à l’industrie éolienne offshore de tenir ces objectifs environnementaux.

Les défis plus ardus de l’éolien flottant
Alors que le développement en Europe de l’éolien offshore dit « fixe », éoliennes installées sur fond marin, pose déjà des problèmes de place et d’adaptation des infrastructures logistiques à terre, l’arrivée à maturité de la technologie dite de l’éolien « flottant », au-delà des 60 mètres de profondeurs, rend les défis plus ardus.

Un meilleur rendement énergétique
Pourquoi cette course vers le flottant ? L’éolien flottant est la nouvelle frontière de la production d’électricité renouvelable, selon l’Agence Internationale de l’Energie (EIA), il sera un contributeur essentiel à la décarbonation de la production d’énergie. L’intérêt est d’aller loin des côtes c’est aller chercher des vents plus stables et plus puissants, donc une meilleure capacité de charge et un meilleur rendement énergétique, réduisant ainsi l’intermittence. C’est aussi s’éloigner des activités humaines : Pêche, nuisance visuelle, trafic côtier…Cela permet enfin d’envisager l’installation de turbines plus puissantes.

C’est là que le défi logistique commence réellement
Changement de configuration des ports : Historiquement les ports européens sont tournés vers l’hinterland qu’ils desservent, généralement des zones à forte concentration humaine, enclavés dans des zones urbaines et industrielles. Le nouveau défi des ports utilisés comme base d’assemblage, montage et départ des turbines flottantes doit être de trouver l’espace pour accueillir ces projets industriels majeurs et gourmands en place.

Atteignant la puissance de 15 à 20 MW, les turbines flottantes se composent d’éléments de 20 à 30% plus grands que les éoliennes fixes : Pales, rotors, nacelles, flotteurs et hauteur de mâts exigent des yards, quais, moyens de levage, bassins et tirants d’eau plus grands, plus résistants, plus puissants, plus larges et plus profonds.

Un investissement à 6,5 Md€
Selon WindEurope les investissements à réaliser d’ici 2030 se chiffrent à 6,5 Md€. Ces montants faramineux sur une période si courte ne pourront être mobilisés qu’avec l’aide des pouvoirs publics et la définition d’une stratégie claire au niveau européen afin de donner de la visibilité aux investisseurs.

Une exigence de place et de dimensionnement des infrastructures
Une autre difficulté pourrait apparaitre. Les infrastructures terrestres de support aux champs éoliens flottants seront utilisées pour des phases diverses de la vie d’un champ, la fabrication et montage et les opérations et maintenance. Ces activités exigeront le développement d’infrastructures et de services différents obligeant les ports à s’adapter encore. La phase de montage et installation relativement courte sera cependant la plus exigeante en termes de place et dimensionnement des infrastructures ce qui pourrait poser un problème de retour sur ces investissements. Selon Don Lamont, consultant au cabinet de conseil Atkins: « Ainsi, les propriétaires de ports et leurs clients, partenaires et investisseurs dans l’éolien offshore devront financer ce qui est de fait des installations temporaires. Ils auront une fenêtre limitée pour récupérer les coûts d’investissement, puis devront rénover à nouveau pour la phase maintenance (O&M) plus longue».

Au cœur de la production et la distribution
Au-delà de l’éolien, les ports seront au cœur de la production et distribution de l’hydrogène. Rappelons que l’hydrogène est pressenti pour remplacer les énergies fossiles dans les secteurs industriels et de transport mais aussi pour stocker l’électricité produite en mer lors des pics dépassant la demande, permettant ainsi de réduire l’intermittence des renouvelables. Les ports connectés avec ces champs éoliens auront également un rôle clé à jouer dans la production, le transport et la distribution de l’hydrogène.

Au cœur de la Supply Chain
On le voit, l’avenir des ports est de les placer encore un peu plus au cœur de la supply chain de la révolution énergétique en cours. Au vu des enjeux financiers, il ne faudra pas se tromper sur les choix. La toute nouvelle étude publiée conjointement par l’ESPO (the European Sea Ports Association) et l’EFIP (the European Federation of Inland Ports) ne dit pas autre chose.

Certains ports européens, notamment en Écosse, se groupent pour attirer les investisseurs et répartir l’activité avec emploi local à la clé. Ce nouveau paysage peut être une opportunité pour des ports moyens qui sauront se grouper et unir leurs forces afin de mettre en avant leurs atouts : Flexibilité dans le développement au regard des grands ports parfois saturés